Les films qui sont considérés par les spectateurs comme ayant le plus de sens sont ceux qui évoquent les questions liées aux vertus humaines, à la moralité (comme l’aide apportée aux autres, le courage, l’amour et la persévérance), aux buts existentiels et au côté éphémère de la vie. De même, plus le film met en scène des tensions entre différents types de morale à privilégier dans une même situation (par exemple, faut-il dire la vérité même si on risque de blesser), plus le film incite à réfléchir à des questions morales, plus il est apprécié par les amateurs du genre. C’est sans doute ce qui explique en partie le succès de séries comme Dexter ou Breaking Bad où les héros (respectivement Dexter Morgan, tueur en série, et Walter White, professeur de chimie devenu fabricant et vendeur de drogues) suivent des morales ambiguës. Il n’y a pas, d’un côté, les « méchants » et, de l’autre, les « gentils ». Ainsi, pour que les spectateurs trouvent qu’un film soit rempli de sens ou pour qu’ils l’apprécient, ce dernier doit les inciter à se poser de grandes questions morales.
La moralité est donc un critère important pour juger de la profondeur du sens d’un divertissement médiatique.
L’exposition répétée à des contenus médiatiques qui mettent en valeur un certain type de moralité conduit à renforcer cette dernière chez les récepteurs. Cependant, les effets ne sont pas systématiquement directs et sont parfois plus complexes.
Effectuer des actions immorales dans un jeu vidéo, comme tirer sur des innocents, provoquerait chez certains joueurs, notamment les plus empathiques, des sentiments de culpabilité.
Cette culpabilité produirait parfois une réaction opposée : elle augmenterait l’importance des fondements moraux violés dans le jeu et rendrait les joueurs plus sensibles à ce type d’actions immorales. C’est comme si, après avoir joué, l’individu cherchait à se rééquilibrer moralement. Pourtant, il ne faut pas penser que jouer à des jeux vidéo violents produit systématiquement ce type d’effet. Au contraire, les recherches démontrent plutôt que, la plupart du temps, ils accroissent l’agressivité des joueurs.
Un divertissement médiatique rempli de sens questionne souvent les croyances des individus et leur propose une autre vision du monde. Ainsi, il incite le spectateur à relever un défi cognitif où ses représentations et valeurs sont mises en tension. Ce conflit entre le monde proposé par le film et le monde du spectateur met ce dernier en état de dissonance cognitive et l’incite à conduire une réflexion intellectuelle pour le résoudre, ce qui finalement peut l’enrichir.
De plus, les divertissements qui ont le plus de sens pour les spectateurs mettent souvent en scène de grandes thématiques en lien avec les forces de caractère et vertus humaines (la sagesse et la connaissance, le courage, l’humanité et l’amour ; la justice ; la tempérance et la modération), les valeurs et les relations humaines.
Amener les récepteurs à réfléchir sur ces thématiques peut les conduire à faire preuve de plus grandes forces de caractère dans leur propre vie. Il semblerait que les films qui provoquent le plus d’expériences eudémoniques favorables soient de genre dramatique. Parfois tristes, ils touchent les aspects les plus sombres et cruels de l’humanité (la séparation, la maladie, la mort) et mettent en scène des relations complexes entre les personnages. Ils incitent les spectateurs à faire un important travail intellectuel pour comprendre la complexité de la narration et le message. Bien que le spectateur ressente des émotions a priori négatives pendant le visionnage, comme de la tristesse, son expérience est fortement positive. Parfois, c’est aussi en raison de la stimulation intellectuelle qu’ils provoquent, comme savent si bien le faire les films de cinéma français, par exemple dans la trilogie Trois couleurs : Bleu, Blanc, Rouge, 120 battements par minute ou Les chatouilles.
Toutefois, les films comiques ou les films d’action « à grand succès » peuvent aussi avoir un certain sens. Les films de super-héros comme les Avengers, Les Quatre Fantastiques, X-Men, etc., impliquent également des tensions dramatiques où il est question d’un monde meilleur, où les héros doivent faire appel à leurs forces de caractère, leur autonomie, leurs compétences, leur confiance en soi, pour parvenir à leurs fins, constituant en cela un modèle pour les spectateurs. Certes, les films dramatiques et tragiques sont souvent moins faciles d’accès que les films d’action à grand succès.
Parfois, les auteurs d’un film travaillent au second degré, en utilisant des métaphores, en donnant la possibilité de donner plusieurs interprétations à l’histoire ou aux actions des personnages. Comprendre ce type de film et l’intentionnalité de l’auteur constitue parfois un véritable défi que le téléspectateur relève plus ou moins facilement. Finalement, la compréhension d’un film complexe produit un certain plaisir. Elle flatte, d’une part, la motivation épistémique de certains, c’est-à-dire la motivation à comprendre des choses compliquées.
D’autre part, comprendre un film complexe flatte également l’ego, surtout si après le film les spectateurs partagent avec d’autres leur interprétation de l’histoire. Cela leur offre la possibilité de se valoriser socialement en montrant leurs « capacités intellectuelles ». À l’inverse, si le spectateur ne parvient pas à comprendre, il peut s’auto-dévaloriser, ce qui produit un effet contraire.
Sc: Connectés et Heureux by D. Courbet M.P Fourquet
Asler Perez
