Nombre d’études ont contribué à élargir nos connaissances des traditions vernaculaires à travers le monde mais l’usage et l’application de ce savoir restent marginaux (Oliver 2006). Dans la plupart des textes portant sur ce type d’architecture, certains adjectifs avaient une valeur semblable au vernaculaire.
Anguelova explique ces ambiguïtés du fait des différences culturelles et de développement entre les pays. Comme le fait Sezgin, dans son travail de définition du vernaculaire, il est important de faire une investigation sur ces termes pour se rapprocher de la notion de vernaculaire. Car si chacun nous renvoie à une image de l’architecture vernaculaire, ils révèlent des nuances qui permettent de dessiner ses contours.
I. Architecture populaire ou primitive
L’architecture populaire ou primitive est relativement semblable pour admettre de les définir ensemble. Ce sont les termes les plus proches du vernaculaire. L’architecture populaire est celle du peuple, c’est-à-dire qu’elle est conçue par le peuple. Le processus de construction de l’architecture populaire ou primitive est sa principale caractéristique. Elle est le résultat d’un individu qui, à l’aide d’une collaboration, construit sa propre maison. De cette collaboration naît un échange, qui au fil des générations, se transforme en savoir.
C’est ce savoir populaire ou primitif qui caractérise l’architecture vernaculaire d’une population ou d’un territoire. Il se rapporte principalement aux ressources en matériaux, le climat, les techniques de mise en œuvre… Il donne une identité culturelle à l’architecture. La nuance entre populaire et vernaculaire nous semble-t-il, réside dans le fait qu’Il donne une identité culturelle à l’architecture.
II. Architecture rurale
C’est celle produite à la campagne. On s’est intéressé à cette architecture suite à l’ère industrielle qui a considérablement modifié l’architecture urbaine. L’architecture rurale avait réservé son savoir-faire, son bon sens car elle n’a pas été touchée, dans un premier temps, par la mutation industrielle. C’est en cela qu’elle se rapproche de la notion de vernaculaire. Or, il est tout aussi évident que le domaine du vernaculaire n’est pas dépendant de la localité.
Bien au contraire, puisqu’il a pour caractéristique de s’adapter à son environnement. Le vernaculaire peut tout aussi bien se retrouver en ville qu’à la campagne.
Les Mafaou quelquefois Matakam sont une population d’Afrique centrale, surtout présente à l’extrême nord du Cameroun, également au Nigeria.
Le peuple Mafa est constitué de plusieurs groupes qui se distinguent par leurs accents. Avec les Kapsiki, les Mofu, les Guiziga, les Mada, les Mahtal, les Zulgo, les Podoko, lesMouyeng, ils composent l’essentiel de ce que les Mandara (ethnie islamisée habitant la plaine et quelques contreforts des Monts Mandara) appellent vulgairement les Kirdis ou peuples païens.
Ils sont connus pour avoir été les premiers en contact avec le colonisateur allemand.
Architecture Traditionnelle MATAKAM
Ils sont connus pour avoir été les premiers en contact avec le colonisateur allemand.
III. Architecture anonyme ou sans architectes
Le travail de Bernard Rudofsky sur l’architecture sans architectes a permis de mettre en évidence cette architecture oubliée par les théoriciens de l’architecture. À travers son livre intitulé « architecture without architects » publié en 1964, puis traduit en français en 1980, il porte un regard sur l’architecture d’habitat du monde, construit sans concepteurs professionnels.
L’idée qu’il véhicule dans son livre est que le savoir-faire et la philosophie des constructeurs « anonymes », représentent « la plus grande source inexplorée d’inspiration architecturale pour l’homme de l’ère industrielle ».
Il définit cette architecture comme étant non créée par des spécialistes mais par l’activité « spontanée et continue des communautés ». Il y a donc une étroite relation entre ce type d’architecture et le vernaculaire dans la définition de Bernard Rudofsky. Mais cela rejoint aussi la définition de l’architecture populaire, spontanée ou marginale
Pour l’auteur, cette confusion entre les différents termes résulte d’un manque d’intérêt pour cette architecture :
«A défaut de terme spécifique, nous dirons de cette architecture qu’elle est vernaculaire, anonyme,spontanée, indigène ou rurale ; toute vue d’ensemble sur le sujet étant compromise par la pénurie de documents. »
IV. Architecture marginale
Comme son nom l’indique, la caractéristique de cette architecture est de se développer à l’écart de la société. Elle se détache à la fois des pensées théoriques de l’architecture comme nous venons de l’exposer dans la définition de l’architecture sans architectes, mais aussi elle est indépendante du système sociétal. L’architecture marginale est née d’un désir de se sortir de l’emprise de la société industrielle et de consommation. Par conséquent elle ne fait pas appel à tout ce qui est en relation avec celle-ci. Cela induit le non-recours à toute forme d’industrie et à l’argent par exemple.
Ce courant se retrouve dans les tissus vernaculaires des peuples autochtones du Nord Cameroun mais également de l’Est Cameroun. Dans l’environnement des « Mbororos » au Nord et « Pygmées », le désir de construire leurs propres demeures à partir de rien en se coupant partiellement ou totalement de la société est récurrent.
, Ces constructions marginales, en se détachant de l’emprise industrielle et de consommation se sont rapprochées d’une conception vernaculaire. Cependant, il ne faut pas croire que l’architecture vernaculaire est une architecture marginale, car bien au contraire, elle est souvent le reflet de la société à laquelle elle appartient.
V. Architecture spontanée
Elle serait une architecture du bon sens, comme l’est le vernaculaire. Une architecture instinctive qui fait donc appel aux moyens à dispositions. Or, Sezgin nous fait remarquer que ce type d’architecture peut très bien faire appel aux moyens industriels s’ils lui sont accessibles. Il y a donc une contradiction avec le domaine du vernaculaire.
VI. Régionalisme
Le courant architectural, appelé « régionalisme » date de la première moitié du XXème siècle. Cette architecture puise son inspiration dans l’architecture populaire du lieu. Elle se sert de l’identité de cette architecture, ancrée dans un territoire, pour lui donner une dimension culturelle.
C’est cet aspect qui est particulièrement recherché dans le régionalisme, au détriment parfois du rapport avec l’environnement. On peut considérer l’architecture régionaliste comme proche du vernaculaire car elle est une des rares à promouvoir la dimension culturelle d’un bâtiment, comme le fait l’architecture vernaculaire. En revanche, on peut regretter que ce courant architectural ait donné lieu à une copie stéréotypée en se focalisant sur la forme et l’apparence plutôt qu’à l’essence de l’architecture.
À la différence du courant précédent qui s’inspire de l’image de l’architecture populaire, le régionalisme puise son inspiration du lieu : le climat, les ressources, l’exposition…etc., de manière à réinterpréter l’architecture populaire.
Le régionalisme critique est une simple théorisation de l’architecture vernaculaire .
Pierrick Trauchessec,
Il le justifie par le fait que travail de Rudofsky présente le domaine du vernaculaire comme ce domaine longtemps resté inexploré, et qui s’est développé en marge de l’architecture savante, qu’on retrouve dans les livres.
Suite à l’intérêt grandissant envers cette architecture, durant la seconde moitié du XXème siècle, des théoriciens ont tenté de lui trouver une définition (colloque de Plovdiv, 1979), mais aussi d’en faire un courant architectural. c’est le cas de Kenneth Frampton. L’objet du débat sur le vernaculaire se situe précisément ici. Est-il un concept défini, donc inventé, durant les années 1980, ou une façon de concevoir qui a toujours existé ? Il semblerait justement que le vernaculaire soit un peu des deux.