Etymologie sur l 'architecture vernalucaire

Au Burkina-Faso, nous rêvons de villes modernes, nous rêvons de votre mode de vie. Nous rêvons d’avoir des villes comme les vôtres. Comme Paris, New-York… […] Le problème est que nous copions l’Occident moderne, mais nous ne connaissons pas son histoire et, nous ne possédons pas les moyens de le faire correctement. Nous construisons des maisons dans lesquelles nous avons besoin d’air conditionné pour pouvoir y vivre. Dans un des pays les plus pauvres du monde, ce n’est pas la bonne solution.
F.Kere

Telle est la lecture de F. Kere au sortir d’une conférence à̀ l’Université́ d’Harvard. Il présente une lecture de l’environnement de son pays qui, pourrait être transposer dans plusieurs pays du Sud. En général et au contexte du Cameroun en particulier.

I. CONSTAT

Depuis Martin Heidegger nous savons que l’acte de bâtir ne précède pas l’acte d’habiter, c’est plutôt l’inverse, car l’homme est un être naturellement « habitant ». Dans son livre « Pour une anthropologie de la maison », Amos Rapoport montre que les explications à partir du climat, des matériaux, de la technologie, du site, de l’économie restent insuffisants pour expliquer la forme. D’autres paramètres plus complexes d’ordre culturel, moral et spirituel interviennent d’une manière moins évidente certes mais bien certaine.

Lewis Mumford dans son ouvrage, « la cité à travers l’histoire », a montré comment l’homme obéit dans le choix de ses sites d’implantation à des paramètres divers et difficilement quantifiables. De prime abord, notre réflexion s’inscrit dans une « démarche ».

Le Cameroun a connu une évolution de son architecture depuis la période précédant l’occupation (Portugaise, Allemande, Français et Anglaise). La succession de ses différentes puissances a créé une stratification historique singulière marquée par l’empreinte identitaire multiple de son peuple.

Avec l’occupation, une ouverture sur le monde s’est opérée laissant la modernité envahir peu à peu le paysage architectural. L’image du pays s’est alors radicalement métamorphosée en un laps de temps court balayant l’image fragile des architectures vernaculaires patiemment façonnée durant des siècles.

Cette entrée dans l’ère moderne avec ses nouvelles méthodes de construction, ses matériaux, ces normes de confort a devancé les systèmes vernaculaires pourtant si riches en matière d’ambiances des espaces et si ingénieux par leur adaptation au mode de vie des occupants, au site et au climat.

Cette rupture avec le passé agrémenté de la conscience d’une pluralité culturelle et de la valeur anthropologique des sociétés débouchera sur la perte identitaire et une remise en question des fondements de l’architecture au Cameroun.

La modernisation transformera le paysage architectural du pays. L’État fera appel à plusieurs architectes, pour la plupart étrangers, à l’instar d’Oliver Clément Cacoub ou encore de Solomon pour les nouvelles constructions (bâtiments collectifs et grands projets), témoignage de cette nouvelle dynamique.

Ceux-ci influenceront grandement le paysage architectural et urbain du Cameroun par la construction de bâtiments à l’esthétique moderniste, traduction des prouesses et techniques modernes.

Les fenêtres en fer forgé, le revêtement en panneaux d’aluminium en carreaux de céramique, etc., sont les outils les plus en vue de l’environnement bâti. Le paysage urbain devient le théâtre d’un éclectisme mélangeant façades en mur rideaux inspirées du langage international, à des formes coloniales et vernaculaire.

Malheureusement cette approche architecturale imitative est encore très répandue de nos jours.

Eclectisme : Tendance artistique fondée sur l'exploitation et la conciliation des styles du passé, particulièrement usuelle au xix^e s., en Occident.

Ces dernières décennies, de prestigieuses distinctions en architecture telle que le prix Aga Khan d’architecture ou encore le Prix Pritzker ont été attribué à des architectes qui dans leur pratique recentre le débat de l’architecture à l’heure de la mondialisation autour du contexte, de ses différentes composantes (territoire, lieu, organisation spatiale, homme et culture etc…).

Le prix Aga Khan d’architecture est un prix décerné par la Fondation Aga Khan instauré pour récompenser l’excellence en architecture dans les sociétés musulmanes.

Le Prix Pritzker considéré comme le « Prix Nobel d’Architecture », il récompense le travail d’un ou de plusieurs architectes vivants qui dans leur pratique ont eu un apport significatif à l’architecture.

Le lieu, le contexte, l’environnement, …etc., quel que soit le qualificatif employé pour définir l’espace immédiat à tout aménagement humain, a toujours fortement influencé l’architecture des hommes. La compréhension des établissements humains vernaculaires reste une tâche ardue et fort complexe.

L’architecture vernaculaire fait l’objet ces dernières années d’une recrudescence dans la pratique de certains architectes tant elle répond aux enjeux d’ordre culturel, identitaire et environnementale.

II. Definition du concept

Avant de proposer une définition de l’architecture vernaculaire, un aperçu sur les différentes définitions données par les chercheurs semble utile, commençant par la définition étymologique du concept;

l’adjectif « vernaculaire » désigne aujourd’hui ce qui est ‘propre à un pays, à ses habitants ’

Il est issu du latin vernaculus ou vernaculum. Ce terme est employé au Vème siècle après Jésus- Christ pour identifier les esclaves nés dans la maison de leur maître.

La définition de l’architecture vernaculaire peut être déduite de la définition de l’adjectif ; elle est considérée comme une synthèse des relations entre l’homme, son environnement physique et son environnement social .
Benchikha, 2008

Elle est la réponse à une exigence particulière dans un contexte particulier ou la solution d’un problème précis dans une région spécifique par une population déterminée
Mortada, 2003.

Cette architecture est la matérialisation de l’ensemble des astuces de l’homme pour apprivoiser les phénomènes qui caractérisent une région (site, climat…Etc.)
Kingstone 2009.

L’architecture vernaculaire est l’ensemble des leçons sur la manière de mieux vivre en harmonie avec son environnement et sur la façon dont l’architecture répond à nos besoins.
Varin.

Pour résumer on peut faire référence à la définition donnée par Amos Rapoport : un phénomène culturel dont la forme et l’organisation sont influencées par le milieu.
Rapoport 1972.

Aujourd’hui en tant Architecte, designer, ne restons pas stoïques face à ces bouleversements. Car il n’est pas trop tard pour sauver l’identité locale sans pour autant fuir la mondialisation. D’où le slogan Demain c’est hier

Cependant, Comment devenir moderne et revenir aux sources ; Comment relancer une vieille civilisation dormante et participer à une civilisation inégalée (comment devenir moderne et retourner à ses sources, comme raviver une vieille civilisation latente et faire partie d’une civilisation universelle).

Interrogation à laquelle K. Frampton aurait abordé dans son ouvrage, Towards a Critical Regionalism: Six Points for an Architecture of Resistance.1983).