The sound design : Chronique d’une science en Audiovisuel/Cinéma

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Le design sonore se définit comme la création sonore appliquée dans tous les domaines où il s’agit de penser le son, l’imaginer, le fabriquer et l’intégrer à un bien, un service ou tout autre projet : industrie, urbanisme/architecture…

Frank Pecquet, Paul Dupouey

Il est de coutume de dater la naissance du design sonore à l’apparition du terme sound design dans la distribution de certaines productions cinématographiques américaines des années 1970, notamment issues du genre science-fiction / anticipation. Découvrons les pionniers de cette pensée.

1. William Whittington

En fait, pour Whittington, les origines de ce nouveau métier correspondent plus précisément à une profonde évolution de l’industrie du cinéma américain qui, au cours de cette période, passe progressivement d’un système classique hérité de l’âge d’or des grands studios hollywoodiens (the Classical Hollywood system) à une nouvelle vague hollywoodienne (the New Hollywood) qui révolutionne notamment la manière d’appréhender le son au cinéma et, par conséquent, la manière dont les cinéastes et les cinéphiles écoutent les films :

« they do not just hear movies in a new way, they ‘listen’ to movies in a new way, and what they are listening to is sound design »

[Whittington, 2007].

the Classical Hollywood system , un terme utilisé dans l’histoire du cinéma qui désigne à la fois un style visuel et sonore pour la réalisation de films et un mode de production utilisé dans l’industrie cinématographique américaine entre 1927 et 1963.

http://www.classicartfilms.com/

A l’époque, cette révolution s’opère tout d’abord sur des bases esthétiques et technologiques mais également sociales : au système syndical traditionnel prônant

la division du travail entre

  • l’enregistrement (sound recordists),
  • l’édition (sound editors),
  • la composition (music editors)
  • le mixage (sound mixers)


Le tout supervisé par un directeur-son (sound supervisor) –, s’oppose un statut moins rigide exploitant les nouvelles technologies de captation (enregistreur portable, notamment le Nagra III29), d’édition (station de montage multipistes) ou de diffusion (restitution multi-canal, notamment, le système Dolby30) et rassemblé, dans un premier temps, sous la bannière générique de montage sonore (sound montage).

Nagra III

C’est en ces termes que Walter Murch est crédité pour son travail d’expérimentation, de création et d’arrangement sonores dans le film THX 113831 (réalisé par George Lucas, produit par Francis Ford Coppola, et sorti en 1971) qui incarne la première grande référence de cette nouvelle manière de considérer le rapport du son à l’image.

Electronic Labyrinth THX 1138 4EB, Lucas’s Original Student Film 1967

Ce terme évolue ensuite vers celui de design sonore (sound design), à l’occasion du film Apocalypse Now 32 (réalisé et produit par F. F. Coppola, sorti en 1979) et associé, à nouveau, à W. Murch.

A ce sujet, il est intéressant de noter que le terme sound design est “inventé” à l’origine par Murch pour principalement rendre compte du travail de déploiement dans l’espace de la bande-son du film :

Apocalypse Now (1979) Official Trailer

« I had a detailed mapping out of the sound effects and the music […] that’s actually where the concept of sound design came from »

Whittington, 2007

Cette nouvelle approche lui permet de créer des plans sonores, de localiser les sources et, in fine, d’immerger le spectateur –autrement dit, lui confère le rôle d’architecte sonore du film (où l’on retrouve pertinemment la relation, son/espace). Par la suite, au fur et à mesure de l’expansion du métier – et même si, semble-t-il, celui-ci n’est toujours pas officiellement reconnu par les instances professionnelles américaines.

Le sens du terme sound design s’élargira pour finalement recouvrir toutes les différentes
approches de création d’effets sonores en relation avec l’image, et se retrouvera associé à des productions (et des designers) mythiques allant de la série des

 Star Wars – 2 premières trilogies – jusqu'à Wall-E (BenBurtt), en passant par Minority Report, Terminator 2 (Gary R ydstrom), The Matrix (Dane Davis), ou bien encore Eraserhead, Elephant Man ou Mulholland Drive (où David Lynch, lui-même, est crédité au poste de
sound designer ou sound effects).

2. David Collison

David Collison dans son ouvrage sur le son au théâtre [Collison, 2008] l’origine historique du design sonore et l’apparition du statut de designer sonore – peut également se situer au milieu du XXème siècle, en référence au travail de création sonore pour le théâtre et en analysant, comme le propose Frank Pecquet, « l’ambivalence » de cette pratique à travers le prisme du design sonore comme discipline du projet : « conception et production » [Pecquet, 2017]. En effet, pour Collison (cité par Pecquet), le son au théâtre implique principalement deux éléments.

Frank Pecquet, Paul Dupouey

D’une part, la mise en œuvre de la science acoustique appliquée à l’architecture afin de concevoir des lieux aux qualités sonores optimales – à ce titre, on pourrait aussi faire remonter l’origine du design sonore au début du XXème siècle avec Sabine, fondateur de l’acoustique architecturale, voire aux civilisations gréco-romaines avec Vitruve ou les concepteurs des théâtres grecs à l’acoustique remarquable.

Et d’autre part, la production de contenu sonore (musique, ambiances, effets sonores, bruitages) qui accompagne la narration, la mise en scène et la dramaturgie théâtrales – cette pratique étant reprise, quelques décennies plus tard, au cinéma par les pionniers du sound design.

3. Robert Murray Schafer

Et, selon un tout autre angle de vue, le point de départ historique du design sonore peut également être associé à la parution, en 1977, de l’œuvre fondatrice de Robert Murray Schafer, The tuning of the world [Schafer, 1977]. Dans cet ouvrage, l’auteur propose, entre autres, la vision d’une discipline nouvelle :
« acoustic design » successivement traduit par « esthétique acoustique » [Schafer, 1979], puis « design sonore » [Schafer, 2010], reposant sur une série de « principes permettant de juger et de corriger l’environnement sonore dans son ensemble » et pouvant notamment prendre la phrase suivante comme postulat :

« S’il faut vraiment être dérangé dix à vingt fois par jour, pourquoi ne pas l’être par un son agréable ? » .

[Schafer, 2010 – p.346]

Plus précisément, le parallèle entre l’« esthéticien acoustique » d’hier et le designer sonore d’aujourd’hui confirme la position d’initiateur et d’éclaireur de Schafer à l’époque, tant sur le plan de la description disciplinaire du design sonore (acoustique, psychologie, musique, etc.) qu’à propos de questions liées à sa formation (« […] iI n’y a pas d’écoles qui dispensent pareille formation mais leur création ne saurait tarder ») ou bien de potentielles thématiques qu’il sera susceptible d’aborder.

le design sonore nait du silence ou plutôt de la conquête du silence.

En effet, avant les années 1990, les sons sont globalement considérés comme des nuisances, des phénomènes négatifs, qu’il faut combattre et traiter en tant que tel selon un idéal.

A la fin des années 1990, en revanche, dans une recherche vertueuse de qualité acoustique globale, le design sonore émerge grâce à une prise de conscience qui s’opère suivant un double constat :

le fait que le son puisse être, d’une part, vecteur de sens, et d’information fonctionnelle et d’autre part, porteur de valeurs esthétiques et identitaires .

Source : Sciences du Design Sonore, Nicolas Misdariis

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