La remagification, une tendance artistique post-moderne qui nous replonge dans celles des années 80-90. Aujoud’hui, elle touche plus le monde de l’audiovisuel . C’est le cas du Nigeria avec les artistes tels Joeboy, Burna Boy, Wizkid, Lojay, Oxlade,etc. pour ne citer que ceux ci comme ambassadeurs de cette tendance avec l’afrobeat. Au Cameroun, la remagification aurait vu le jour très tôt dès les années 2000. Avec une génération d’artistes qui voulait offrir à la future un héritage hybride une sorte d’identité artistique propre au bled (Cameroun). Ainsi, la remagification aurait pour père fondateur des artistes de la génération Hip -Makossa.
1. Hip-Makossa
Le hip hop débarque au bled (cameroun) dans les années 80 – 90, seulement une génération de rappeurs des années 2000 décide de créer un style de (Afro – Rap, ou Afro-trap) avec des rappeurs tels : Balafon Kunta, Roggy stentor, Alain Manga , Big Bzy, etc.
Le principe était de proposer un style de rap bantou stand (à la KROTAL) En remasterisant (rebrand)des musiques des icones des années 80 – 90 ou des featuring avec des artistes makossites, où la langue de Molière (français) pourrait être substituée, combinée à la langue bantou. On pourrait dire un pseudo afro-trap qu’on connait aujourd’hui.
Roggy Stentor ft Tiger ( Ambiancez moi ça) de Petit Pays
Armel Weladj feat Roggy Stentor Hip-Makossa de San Fan thomas
Toutefois, à cette époque certains puristes le (style hip makossa) percevaient comme une entorse à l’art de 2pac ou Busta Rhymes ( Ken-emot – je peace sur ton rap, Les Géomètres Big -UP).
Ce premier pas de la remagification à la camerounaise franchit, ouvrira pus tard la porte à une génération encore plus audacieuse que le touché touché de Karnatox ( rap à la MHD).
II. L’avènement
Les années 2008 furent celle d’un patrimoine émergeant ( Demain c’est hier ) ou le cycle de l’éternel retour ; Le concept de «l’éternel retour» est central dans la philosophie de Friedrich Nietzsche. Nietzsche hérite des Stoïciens ce concept, lesquels croyaient en une vision cyclique de l’Univers, tout revenant un jour ou l’autre. Epictète, notamment, affirmait que tout ce qui arrive est déjà arrivé et arrivera de nouveau. Peu de temps après ,un artiste émergea comme le leader de cette génération, sur la scène nationale.
Jovi (le monstre)
Le tube Jovi ft Tabu Ley rochereau « pitié » une reprise sortie sous le label Mumak, de l’ancien tube à succès de l’artiste congolais, ; car c’est une reprise de la version originale avec modification de la partie instrumentale (arrangement). C’est-à-dire, faire une reprise guitare/voix ou piano/voix, par rapport à l’instrumentale de base. Pour ce type de cover, on vous conseillera toujours d’obtenir la permission du compositeur de la version originale puisque vous allez modifier son travail et exploiter une nouvelle version. Le résultat fût un délice audiovisuel (tendance colorimétrique digne années 80). D’ailleurs avez-vous le dernier clip de l’artiste Cysoul ? il peut être considéré comme un exemple pour ce cas. Ensuite on eût droit à un autre featuring avec Eko Roosevelt pour le titre “Bush Faller” (un remastering du tube de l’artiste, sorti en 1978) avec l’album Africa Seven), vient compléter ce courant.
C’est avec la sortie du tube Jovi – CASH “Mets l’argent à terre”qu’on comprit que le monstre mettait toujours la barre plus haute; car dans cette composition musicale on distingue trois ( 3) obsinatos. Un obstinato : c’est la répétition de quelque chose tout au long d’une musique
- Ostinato mélodique : une mélodie qui se répète (on peut la chanter).
- Ostinato rythmique : une phrase rythmique qui se répète (Cash, Mets l’argent à terre).
- Ostinato harmonique: des accords (Reprise, adaptation, arrangement) qui se répètent. exemple : La guitare dans ce morceau mode les têtes brûlés.
Au vu du personnage en lui même on pourrait dire qu’il serait peut -être quelqu’un (d’obstiné). Une obstination qui porte des fruits (car il est reconnu par certains comme un des meilleurs rappeurs kmer), d’ailleurs.
C’est l’un des artistes africains qui ” retourne la trap et l’amène à de nouveaux sommets sur le plan sonore”.
Natelege Whaley
Suivez l’intégralité de son interview sur ce lien pour en savoir plus sur cet artiste atypique.
Il faut reconnaitre une chose dans le style remagification de Jovi, c’est qu’il aura su faire revivre audiovisuellement les anciennes icônes de la musique kmer ou encore un style rap puriste USA 80 ( Jovi big bang), Il a su aligner une esthétique heideggérienne (un art qui se redéfinit au fil du temps, au fond comme sur la forme, les normes, et les codes de ce genre, résorbant ainsi l’écart, parfois absurde, entre le message, et l’image). Le clip Et puis quoi vous parle? vestimentaire, attitude de gangstaboy, vue aérienne de l’immeuble, effet glitch,etc, sont des exemples parmi tant d’autres de cette esthétique heideggérienne de ce clip. Plus tard, cette audace se confirmera avec l’entrée des artistes comme Boy TAG ( featuring avec Talla andré Marie, ou encore l’adaptation de mignoncité de Guy watson), ou encore Tata mop.
II. La remagification post moderne
Le retour aux sources ou le recours aux sources (remagification), devient une préoccupation majeure chez les artistes musiciens camerounais (Janéa – Sokoto). De ce fait, la reprise d’une œuvre, serait le moyen d’expression artistique très courant dans ce registre, notamment à partir d’œuvres très célèbres du répertoire populaire. C’est le cas de, Sandrine Nnanga – Osi Dimbea Real version Ben & Grace Decca. Cette tendance se manifeste par l’utilisation soit d’une citation (Ca va aller by Balafon Kunta), une adaptation (Gomez Oba – Gokoma Vibe feat Hugo Nyame) ou un nouvel arrangement ( Longue Longue – Lenda Ft Tzy Panchak, Shura & Darina Victry). Dans cette mouvance, on distingue des artistes comme Strongbangwaboy , Witty Minstrel, etc, qui feraient une nouvelle adaptation des rythmes traditionnelles du peuple Nso. D’autres artistes auraient rejoint cette remagification ( Ridimz, Locko) .
Cette remagification s’accentue aujourd’hui avec l’accentuation des industries créatives & culturelles (ICC) tels :
- Festivals: (Domaf, Festival Afropolitain , fenda)
- Des plateformes sociales : (African Parure, Sauvons le NDOP)
- Design Textile : (MaXhosa Africa) African Luxury Heritage Brand of the Year 2021 avec Imane Ayissi
La similarité entre tous ces ICC, c’est qu’on retrouverait un concept symbolique « je est un autre » (Rimbaud). c’est-à-dire une valorisation d’un idéal communautaire ( patrimoine culturel immatériel et matériel). Un réveil de ces ambassadeurs culturels sur la nécessité de faire revivre nos croyances ancestrales, où l’art et la culture sont des leviers de développement personnel et communautaire (économie du patrimoine culturel). Un problème qui fut déjà soulevé avec le grand frère tonton boudor. Toutefois, avant ces années 2000, les artistes camerounais étaient déjà assez entreprenant sur cette voie de remagification (A lire : identité artistique musicale camerounaise).
Asler Perez
