De Koulibaly Marguerite à Nina Torres (Anna Jamila), on observe l’influence grandissante de la culture pop occidentale. Celle-ci, initiée dès le siècle des Lumières ( XX siècle) et popularisée au États-Unis, a imposé des standards, avec des icônes comme Marylin Monroe. Ce phénomène du naming pop a aussi touché les artistes africains, plus particulièrement au Cameroun : Big Bzy, Lady B, Obidy, Franky P… autant de pseudonymes inspirés par un imaginaire anglo-saxon qui peut parfois masquer ou renier les racines culturelles.
Le choix du nom Nina Torres illustre cette influence des séries télévisées sentimentales (Novelas), très populaires dans les années 80 et 90 dans plusieurs pays africains. De Rosa à El Diablo, ces fictions ont forgé une nouvelle esthétique du beau, souvent occidentale. Dans ce contexte, le nom Koulibaly Marguerite semble soudainement « démodé » ou trop marqué culturellement. Pourquoi ? la réponse est évidente à cause d’un facteur clé : le world wide web
Dès l’arrivée d’Internet, notre monde a profondément changé. L’être humain a commencé à exister aussi à travers une identité numérique – une sorte de nouvelle carte d’identité virtuelle. Finies les rencontres anonymes de l’époque des forums ou des « amis imaginaires » du lycée. Place à 123Love, Tchatche.com, et autres plateformes où l’on pouvait choisir son pseudo, créer un avatar et se réinventer.
Ces technologies ont donné naissance à une première génération d’homo numericus – des individus qui vivent et interagissent à travers le numérique. L’arrivée des réseaux sociaux 2.0 dans les années 2000 a accentué ce phénomène.
Comme on le dit dans le film Think Like a Man :
Sur Internet, on peut être qui on veut.
Think like a Man ( 2012)
La connectivité a bouleversé nos modes de vie : nos manières de consommer, d’apprendre, de socialiser. L’homo numericus n’est plus seulement spectateur ou consommateur, il devient aussi producteur de contenu. Le savoir devient collectif, partagé, et le numérique brouille parfois la frontière entre identité réelle et identité virtuelle.
Cette mutation amène une question essentielle : quelles valeurs souhaitons-nous transmettre à l’ère du numérique ? Car notre patrimoine culturel, notamment celui des jeunes en Afrique francophone, est en pleine transformation – entre acculturation et déculturation.
Comme le souligne Tonton Boudor (artiste), beaucoup deviennent alors des « agents publicitaires » de marques étrangères – dans le domaine de la beauté notamment.
Le corps noir, les cheveux naturels, sont parfois mis de côté au profit d’un look inspiré des normes hollywoodiennes : tissages brésiliens, indiens, perruques de stars.
Dans la série Beauty in Black, l’actrice Crystle Stewart incarne ce style glamour devenu inaccessible pour beaucoup, et qui agit comme un symbole de réussite ou de pouvoir.

Ainsi, l’homo numericus a contribué à l’émergence d’une nouvelle esthétique propre au numérique : l’esthétique du lisse. Une image idéalisée, standardisée, qui soulève des questions profondes sur l’authenticité, l’identité et les valeurs que nous portons dans le monde connecté. Elle constituera la deuxième partie de notre article.