1845 marquait l’arrivée d’ Alfred Saker accompagné de son épouse Helen Saker et de leur fille Emily Saker, morte plus tard au Cameroun, dont le centre « Emily Saker d’Akwa » à Douala lui a été dédié. Ils arrivent à « Clarence », c’était le mot anglais de ce qui est devenu sous les espagnols « Santa Isabel » en Guinée Equatoriale. Ils traversent , Douala cette même année. Dès lors , commence l’épopée du pagne au Cameroun. Nous nous trouvons dans sa première définition , un petit pagne qui va du haut ou du bas des seins jusqu’au niveau des genoux (pagne minimal).
Un petit pagne que portaient les femmes. Le premier pagne féminin s’appelait « Mukanja ». Les hommes de leur côté, avaient un petit pagne appelé « Di bato ».Le milieu des solennités est entré dans les usages et le « Mukanja » s’est étendu au-delà des genoux. Son port d’attachement distinguait la femme mariée de la femme célibataire.
I. Le Mukanja
Bien avant la naissance du « Kaba », les femmes Sawa s’habillaient uniquement du pagne « Mukanja » qui servait de cache sexe.
Ce qui a donné lieu à des situations assez cocasses. Les femmes célibataires découvrirent que certaines femmes mariées continuaient ou attachaient de temps en temps le pagne au-dessous des seins auraient conduit à des controverses.
Par ailleurs, le costume féminin connut une évolution. Les modèles varient, les étoffes sont richement décorées et colorées. A l’arrivée des missionnaires au Cameroun dans les années 1800, les autochtones étaient quasiment dénudés. Ils portaient juste un cache-sexe qui gênait les femmes des missionnaires en raison de l’embarras face aux jeunes filles peu habillées qui se mouvaient devant leurs époux. A cette époque, il existait une façon d’être de courtisé par un homme.
Et cette manière était d’exhiber son torse. Les épouses des commerçants blancs, ainsi que celles des missionnaires, étaient contrariées de voir ou d’entendre que leurs maris avaient des liaisons avec des femmes autochtones. Voir indigènes comme elles les qualifiaient.
Ainsi, elles décidèrent que les femmes indigènes devaient dorénavant aborer une tenue plus décente.
II. Helen Saker
L’épouse d’Alfred Saker, décida de confectionner une robe qui servira à couvrir la nudité des femmes Sawa. Elle s’écria donc : « Cover », c’est-à-dire : « Couvrir ». De ce vocable « Cover ». La langue Duala n’ayant pas le « V » dans son vocabulaire, on le remplaça donc par la lettre « K », d’où le mot « Kaba ».
Le Kaba, depuis son adoption mieux son imposition dans les années 1850 à la société féminine christianisée, devint vite la ligne de démarcation sociale entre « Bito ba Kaba », c’est -à -dire« femmes chrétiennes ou femmes civilisées » et les « Bito ba Mukanja » ou « femmes au « petit pagne, ou simplement femmes païennes ». Le vêtement imposé aux femmes Sawa était un vêtement d’inspiration victorienne, c’est-à-dire une robe ample et longue qui arrivait jusqu’aux chevilles. Par ailleurs, la création d’une école d’arts ménagers d’Helen Saker aurait donc introduit comme technologie de pointe, la couture. Et notamment la couture du « Kaba ». Le Kaba est une robe, large, évasée, ample, longue ou mi- longue, qu’on peut porter pour toutes occasions. A ses débuts, le Kaba n’était alors qu’avec des ouvertures pour la tête et les bras puis, au fil des décennies, il est devenu très élégant, avec des modèles beaucoup plus modernes. Ce grand sac avec des ouvertures pour la tête et les bras fût le premier vêtement indigène, développé sous l’influence des Européens.
Arts ménagers comprennent l'ensemble des techniques qui dans le cadre du foyer familial, permettent de soutenir la vie physique et d'alimenter la vie intellectuelle.
Le Kaba est devenu une tenue très appreciée au Cameroun, porté par les femmes et les enfants. Les femmes, par la force des choses, elles ont adopté le Kaba, désignant une robe qui descend jusqu’aux chevilles, avec une découpe à la hauteur de la poitrine. Il est porté par les femmes lors de nombreuses cérémonies traditionnelles ou autres. Il a évolué dans le temps et dans l’espace. Ayant appris les arts ménagers et la couture de Hélène Saker, c’est au début du 20ème siècle que la mode battait son plein (grandes jupes sous des corsages à même le corps).Par la suite, les autochtones ont commencé à créer, tailler et coudre leurs propres «couvertures». La coquetterie féminine fit le reste et peu à peu elles mirent en pratique leur sens du goût et du style en transformant le sac difforme original en un vêtement sophistiqué. Dorette Bédoukè (D. BEDOUKE Styliste Modeliste) nous révèle qu’il existerait plusieurs variétés de Kaba
III. Typologies de Kaba
1. Kaba Ni Sadi
LeKaba Ni Sadi (petit kaba) est le Kaba des jours simple, le Kaba des travaux quotidiens (travaux domestique, champêtre ou de pèche). C’est un vêtement moins long dont les manches courtes en traduisent la décontraction sans rien perdre de son élégance.
2. Kaba Mukuku (kaba élégant)
C’est un Kaba froncé à la taille. Il est à usages multiples. C’est un modèle qui a été adopté par plusieurs chorales Sawa ou autres.
3. Kaba Be Sungu ba maa
On désigne ainsi le Kaba aux manches courtes, qu’il soit lui-même long ou court
4. Kaba Bana
Le Kaba n’est pas seulement porté par des femmes adultes, mais aussi par des petites filles. D’où le nom Kaba Bana.
5. Kaba Ni Ndènè
Le Kaba Nindènè (Grand kaba) est le Kaba des grandes cérémonies. C’est une tenue assez fournie en fronce, de longueur considérable, et des manches longues.
Quand il s’agit des évènements solennels comme le Ngondo, c’est le Kaba Ngondo qui accourt. C’est-à-dire, le Kaba le plus somptueux que peut se faire coudre une femme. Ample, longue, aux hanches à la Louis XIV parfois. Pourquoi, parce que parfois sous le Kaba, il y’avait un grand jupon bouffant. Celui-là, se portait, se porte et se portera toujours probablement, avec des chaussures à hauts talons. Car la longueur du Kaba plus la taille qu’elle impose vous force à compenser par des talons hauts.
Grâce à sa popularité, le kaba est non seulement la tenue officielle du Ngondo depuis les origines de ces assises traditionnelles, d’où le nom « kaba Ngondo ». Mais il est également devenu un costume national féminin, porté lors de toutes sortes d’évènements solennels.
Il est rapporté qu’au milieu des années 1940, seules les femmes âgées portaient le kaba, non seulement en signe de maturité mais aussi de prestige, car il fallait beaucoup d’argent pour se procurer autant de tissus.
Au fil des années, il eut une explosion des barrières régionales, culturelles, linguistiques, sociales et géographiques du kaba qui pourtant n’a pas toujours eu la notoriété dont il jouit aujourd’hui. En effet, les deux décennies qui ont suivi l’indépendance étaient plutôt sombres pour le kaba qui s’est vu relégué au fond des placards, porté que pour les travaux ménagers, les enterrements, les cérémonies religieuses. Les jeunes filles le trouvait disgracieux et le considérait comme vêtement de grand-mère.