L’analyse des secteurs du cinéma et de l’audiovisuel dans 54 États du continent africain permet de mettre en évidence certaines caractéristiques de réussite partagées par des pays qui présentent des profils similaires. Ces approches spécifiques et ces meilleures pratiques constituent le fondement des quatre modèles stratégiques de développement et de croissance décrits ci-après :
- Le modèle Nollywood
- Le modèle Auteur
- Le modèle Service
- Le modèle Festival
I.Le modèle festival : le soft power et la loi d’attraction
Le modèle Festival, qui présente d’une certaine manière une approche déroutante, car il se focalise sur le maillon « promotion » de la chaîne de valeur, et non pas sur la production, le développement de talents ou les infrastructures, qui étaient les axes centraux des trois modèles précédents.
Le modèle Festival permet à un pays de dynamiser un secteur cinématographique local amorphe ou non existant en se positionnant en tant que partenaire majeur du cinéma ou de la télévision grâce à l’organisation d’un événement international important, tel qu’un festival ou un marché audiovisuel.
Pour que le modèle Festival fonctionne, il faut choisir un créneau ou un angle spécifique permettant au pays d’imposer son leadership.
Plusieurs nations ont suivi cette stratégie et trouvé leurs propres domaines d’influence. Par exemple,
la Tunisie s’est positionnée en tant que championne du cinéma africain et arabe et promotrice de la coopération Sud-Sud grâce aux Journées cinématographiques de Carthage.
Créé en 1966, cet événement est le plus ancien festival de cinéma d’Afrique. La Fédération panafricaine des cinéastes (FEPACI) est également née lors de ce festival en 1970.
La Côte d’Ivoire, qui accueille le DISCOP Africa Abidjan, le plus grand marché audiovisuel des pays francophones d’Afrique, s’est imposée comme la plaque tournante de l’audiovisuel dans la région francophone : une occasion pour le pays de créer des emplois pour les jeunes et de l’activité pour les producteurs indépendants ivoiriens. La prochaine édition du DISCOP Africa aura cependant lieu en décembre 2021 à Kigali, au Rwanda, tout comme la Foire commerciale intra-africaine (IATF) organisée par Afreximbank.
Parmi les autres pays qui ont testé le modèle Festival, avec plus ou moins de succès, figurent
- Le Maroc avec son prestigieux Festival du film de Marrakech, où Hollywood vient en Afrique ;
- La Tanzanie qui s’est imposée comme le pôle des contenus en swahili avec son Festival du film de Zanzibar (ZIFF) ;
- Le Nigéria qui a tenté d’organiser une cérémonie inspirée des Oscars avec ses Africa Movie Academy Awards (AMAA) ;
- Le Kenya qui souhaite asseoir son leadership dans la région avec le Kalasha International Film and TV Market ;
- l’Afrique du Sud, dont le Festival international du film de Durban accueille le meilleur marché cinématographique du continent (Durban Filmart).
De la même manière qu’il a transformé la ville de Cannes en lieu de rendez-vous incontesté de l’industrie cinématographique et audiovisuelle mondiale, parce qu’elle accueille le Festival et le Marché du film de Cannes, le MIPTV, le MIPCOM et le MIDEM, le modèle Festival utilise l’attrait du cinéma pour mettre en lumière un pays ou une région spécifique. En accueillant des opérateurs régionaux et mondiaux influents, le pays organisateur de l’événement crée son propre soft power.
Mais, plus important encore, le prestige de l’événement en lui-même est souvent le déclencheur d’autres désirs et ouvre des portes. En effet, l’existence de ce tremplin pousse les cinéastes à créer, comme ce fut le cas des Rencontres du Film Court (Madagascar), et conduit les gouvernements à apporter leur soutien. La concurrence avec d’autres pays incite à améliorer les capacités locales, et des ressources plus importantes sont consacrées aux programmes de formation… un cercle vertueux qui peut engendrer des résultats durables.
II. Contexte favorable
En théorie, le modèle Festival peut être adopté par n’importe quel pays tant que celui-ci a choisi un créneau spécifique et que l’événement n’est pas en concurrence directe avec un autre événement organisé dans la même région en ce qui concerne le domaine ou les dates. Certains critères, tels que des salles de cinéma aux normes internationales, un hébergement de qualité et un système de transport permettant de se rendre facilement sur le lieu de l’événement, sont cependant importants pour attirer les participants étrangers.
III. Recommandations
Il est fortement conseillé aux pays intéressés par ce modèle de garantir un financement public permettant de soutenir l’organisation de l’événement sur le long terme, pour qu’il devienne une manifestation régulière inscrite de manière permanente au calendrier annuel de l’industrie cinématographique et audiovisuelle.
Outre le manque de ressources financières, une mauvaise gestion de la logistique est l’une des principales difficultés auxquelles se heurtent plusieurs événements parmi ceux mentionnés précédemment. Il convient
de redoubler d’efforts pour s’assurer que l’expérience professionnelle vécue par les participants locaux et internationaux est positive, en faisant appel si nécessaire à une entreprise expérimentée spécialisée dans la gestion d’événements. Certains thèmes n’ayant pas encore été exploités restent disponibles pour les pays qui ont adopté le modèle Festival. Par exemple, malgré un engouement grandissant, il n’existe pas encore de festival ou de marché continental dédié aux séries télévisées en dehors de Série Series Africa, la version africaine de l’événement français qui a eu lieu, jusqu’à présent, à Ouagadougou et à Abidjan. Il manque également une vitrine à l’échelle du continent pour l’animation, le jeu vidéo et les arts numériques africains, bien que des festivals appréciés existent à Meknes (FICAM), à Abidjan (FFAA) ou à Lagos (Comic Con).
Enfin, l’essor du documentaire africain semble indiquer que le continent est prêt à accueillir un bel événement dédié aux films documentaires malgré le travail remarquable déjà fourni depuis de nombreuses années par Encounters en Afrique du Sud et Rep au Nigéria.
Source : L’industrie du film en Afrique, Tendances , défis et opportunités , unesco (2021)